Une sucette dans la bouche et les sourcils froncés, j'observe de loin la statue de Terminus qui s'agite à l'entrée de la Nouvelle Rome en gueulant des trucs que j'entends pas très bien d'où je suis. Je sais que c'est un dieu et tout ça, mais j'suis quand même impressionné par la façon dont il bouge dans tous les sens comme si il était possédé – ce qui est pas loin d'être vrai non plus, y'a pas à chier hein. J'peux pas non plus m'empêcher de me demander si dans une autre vie il a déjà eu un corps en entier. Au bungalow 11 de la colonie, quand on devient conseiller en chef, on apprend quelques secrets qui se transmettent de génération en génération, comme par exemple que c'est un enfant d'Hermès qui a péta ses bras à la Vénus de Milo et son nez au Sphinx d’Égypte. Du coup peut être que c'est aussi un de mes frangins ou une de mes frangines qui à piqué le reste du corps de Terminus. Huuummm faudra que je fasse des recherches là dessus, parce que si c'est bien ce qu'il s'est passé, ce voleur est un héros.
Si je suis venu à la Nouvelle-Rome, c'est pas pour observer une statue mais plutôt pour visiter la fac de langue de la ville et en savoir un peu plus sur leur formation pour devenir prof là bas. Avec mon pouvoir qui me rend polyglothe universel, c'est un peu la solution de facilité de devenir prof de langue mais c'est un truc qui m'a toujours branché et comme j'ai pas l'intention de rester éternellement à la colonie c'est un peu devenu mon plan pour l'avenir. J'en ai pas encore parlé à Connor mais quand je vais le faire, j'ai l'impression que ça va péter sévère, et pas dans le sens que j'aime bien.
Je me rapproche de Terminus et lui demande : «
Ô toi petit dieu tout blanc, est ce que tu aurais la bonté de m'indiquer la direction pour aller à la fac de la Nouvelle-Rome avec ton divin doigt ? » Au début, je sens qu'il s'apprête à me répondre mais il finit par capter que je me paie sa tronche et il fronce ses sourcils en marbre : «
Tu es un petit marrant toi. » «
On me dit comique » je lui réponds avec un grand sourire. «
Fils de Mercure ? » «
Hermès » je corrige en coinçant la sucette entre mes dents pour en croquer un petit bout «
je suis un touriste grec » «
D'où le manque de discipline » grogne Terminus. Il se met à dire d'autres trucs que je comprends pas parce que je l'écoute pas spécialement non plus avant de me donner des indications pour aller jusqu'à la fac. Je le remercie en me demandant quand même si y'a pas moyen de lui voler son nez – pas comme un gamin hein, comme celui du sphinx – mais comme je vois pas d'ouverture, je décide de laisser tomber. Puis faudrait pas que je me fasse bannir avant même d'avoir commencé à étudier, ça serait quand même sacrément con.
Tranquillement, je déambule dans les rues de la ville en m'amusant à traverser les lares sur mon passage qui me gueulent dessus pendant que je rigole, jusqu'au moment où je me rends compte que je me suis encore perdu. Comme j'ai vraiment la flemme de chercher, je m'approche d'un type plutôt baraque avec un air latino et lui demande en espagnol «
Hola amigo, usted no sabe dónde está la universidad por casualidad ? » Alors ça c'est un truc qui m'arrive tout le temps : quand je croise quelqu'un et que j'essaie de deviner sa nationalité, direct je vais commencer à lui parler dans la langue du pays dont je pense qu'il vient. Mais la plupart du temps, les gens capte pas du tout ce que je suis en train de leur dire, soit parce que je me suis planté de pays, soit parce que c'est juste des origines plus ou moins lointaines. Donc pour être sûr que le mec devant moi me comprenne, je reprends «
Euh ouais j'disais tu saurais pas où elle est la fac par hasard ? J'suis paumé, les satires d'ici me font flipper et les lares m'aiment pas trop, j'ai plus que toi, illustre inconnu. Si tu me le dis pas je vais probablement mourir de faim ici. » D'habitude quand je fais mon grand numéro du mec qui fait pité, Connor est jamais loin avec un enregistrement sur un dictaphone qui fait une musique au violon ultra kitsh. Mais là forcément, sans la bande son, c'est un peu moins convaincant. Du coup je décide d'appliquer une autre stratégie en me présentant : «
J'm'appelle Travis. Je suis grec. Et je viens en paix. »