- 15 décembre 2004, dans une clairière, à une cinquantaine de kilomètres du Camp Jupiter.
L'épaule démise, les larmes au coins des yeux.. J'avais onze ans et tout me semblait si difficile aujourd'hui. Pourtant je m'étais préparée. J'étais censé avoir la motivation et la force nécessaire d'après mes instructeurs.. Mais l'épreuve de Lupa ne fait aucun cadeau.
Et alors que je me sentais un minimum victorieuse face à la première épreuve, j'abordais la seconde avec une certaine appréhension. Mes aptitudes physiques avait été testé, place au mental. Le vent froid me glaçait jusqu'au sang dans cette plaine où il ne semblait rien y avoir pour m'abriter et.. la Louve m'a très vite fait comprendre que les hostilités allaient reprendre. Apparaissant sur le perron d'une maisonnette.. Ou cabane arrangée, elle me fît comprendre que j'avais le droit de rentrer. Et à ce moment précis je ne savais pas si j'étais soulagée d'échapper au froid ou.. Complètement paniquée de faire face à un autre des coups tordus de la bête.
En y rentrant, je trouvais un endroit chaud, aménagé humblement. On aurait dit que le propriétaire de la bâtisse avait subitement disparu en laissant tout derrière lui. Autour de moi, il y avait un paquet de commodes en bois, d’armoires.. Le rêve parfait pour une Nancy Drew dans l'âme comme moi. Et justement.
"
4 jours. 3 nuits. Aucune de possibilité de sortir. La nourriture sur la table est à ta disposition. Mais prend garde fille de Cérès, tu n'es qu'une invité ici et ton hôte ne supporte pas la curiosité mal placé. "
Oué, oué, je vous vois venir. Vous vous dîtes que c'était pourtant si simple hein ? Et bien pas pour moi. Cette curiosité faisait partie intégrante de moi depuis des années.. En fait ma vie se résumait en deux verbes : Fouiller et questionner. Alors j'ai su résister les deux premières nuits.. Sans trop bouger, assise au sol en me balançant comme pour ré-freiner mes pulsions. Mais l'ennuie, le manque de patience et l'envie de découvrir commençaient à atteindre son paroxysme..
Et la dernière nuit, la fourberie de la Louve venait une dernière fois me traquer. Pourquoi ? Parce qu'au fond de la pièce, sous le lit, je voyais soudainement apparaître une petite boîte dorée. Le genre de boîte qui brille assez pour attirer votre attention. Je me rapprochais alors de celle-ci sans avoir aucune intention de l'ouvrir mais juste.. De la contempler pour assouvir ma curiosité en imaginant ce qu'elle pouvait contenir. Des pierres précieuses ? De beaux bijoux ? Une correspondance de lettres entre deux amants ?!
Et la boite s'ouvrit d'un coup sous le lit.
De là où j'étais, je ne pouvais pas voir ce qu'elle renfermait, il fallait que je l'attrape en dessous. Et sincèrement.. Je n'ai pas hésité. En fait je m'étais basée sur un raisonnement : La curiosité c'est seulement quand on ouvre quelque chose.. Faux. (Et en plus la boîte était vide.
#déception)
Soudainement toute la maisonnette venait à se détériorer comme un château de sable qui s'écroulait.. Je me retrouvais à nouveau dans la plaine sous une nuit des plus glaciales. Et on peut dire que je me suis prise une des leçons les plus mémorables de mon existence par la Louve qui venait enfoncer le couteau dans la plaie :"
Ton désir d'apprendre n'est pas celui des érudits.. Et tu vas maintenant comprendre que la curiosité est un vilain défaut."
Vraiment sympathique. J'ai gagné de ce fait une nuit et une journée complète à la belle étoile.. Ce que je ne savais pas en revanche c'est que j'étais comme bloquée entre les 4 anciens murs de la bâtisse. Une paroi invisible m'obligeait donc à rester là, en plein milieu de la plaine gelée.
Et j'aurais dû y rester pendant cette nuit. Les premières lueurs du jours arrivaient et mon corps en boule était complètement paralysé. Je n'avais plus aucune force ni aucune source de motivation. Et puis.. J'ai entrouvert avec difficulté les yeux pour découvrir que la prairie atour de moi avait fleurie. Des centaines de couleurs, des senteurs, des parfums.. La nature me disait de m'accrocher.
Cérès.
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- 9 juin 2017, Nouvelle Rome. Fin de journée, au "
Daphné's Flowers".
"
Et là elle est arrivée face à moi, avec.. Tu vois sa dégaine de pouffiasse ? Et elle m'a sorti qu'une fille comme moi ne pouvait pas fréquenter un gars aussi classe que Noah. Tu l'crois ça ?!" Quoi ? Bien sûr que je le crois. Tout le camp Jupiter t'es passée dessus ma grande. Si t'étais pas une bonne cliente j'aurais même sacrément honte de te recevoir là dans ma boutique.. Mais tu l'es. De ce fait je n'ai d'autres choix que de maintenir mon sourire, t'écouter et répondre une banalité. "
Non ?! Sérieusement ? Mais alors du coup.. C'est pour lui faire des p'tits massages que tu achètes mes huiles essentielles p'tite cachotière ? " Je t'en supplie, répond-moi non. Tu ne peux pas sortir avec un mec aussi canon en ayant un patrimoine génétique aussi déplorable. Tant de superbes romaines attendent leur tour, tu ne peux pas leur faire ça. "
A vrai dire.. Oui! Et je peux te dire qu'au lit il est AB-SO-LU.." NON. Je ne veux pas savoir. Je ne veux pas imaginer. Je refuse ce gossip. Le regard paniqué sur le comptoir de ma boutique, je cherchais un échappatoire. "
Un sachet! Tu.. Tu veux que j'te mette ça dans un sachet hein ? Faudrait pas que tu.. Que tu le fasses attendre." Sors de ma boutique, trace ta route et surtout ne te retourne pas.
"
Oui merci! Mais sinon.. Et ton père ça va ? On m'a dit qu'.."
"
Il va bien, merci." le ton sec, le sourire effacé, cette fois-ci mon visage ne pouvait rien cacher. Bien sûr qu'il allait mal, mais ça c'était plus un scoop. Presque un an en août.. Un an que mon père se laissait mourir. Reclus chez lui, il se repassait en boucle les images.. Celles des corps de demis-dieux, rapatriés à la Nouvelle Rome. Des hommes, des femmes, parfois trop jeunes.. Souvent trop jeunes. Mon père se n'en était pas remis, justement parce qu'il pensait que j'en faisais partie. Mais le soulagement de m'avoir retrouvé après n'avait pas réussi à soigner son inquiétude. Parce qu'il n'y a pas de pire blessures que celles qui se logent dans nos crânes, celle qui contrôlent et changent nos sentiments.. Celle qui rendent notre monde plus sombre.
Soudainement une petite voix résonnait dans ma tête.. Elle était pleine de malice. Poppy.. Ma p'tite plante carnivore placée sur le comptoir (à côté de la caisse, un peu comme un système de surveillance). "
Azy, ma caille, c'te meuf mérite juste que j'la bouffe. Fais moi grandir et j'vais la digérer façon Summer Acid party, oué grosse.". Poppy, toujours les mots justes.. La faire grandir en lui faisant écouter du rap n'était peut-être pas une mauvaise idée finalement. Reprenant mon sourire dès plus commerciale, j'en finissais donc avec ce supplice que représentait cette cliente : "
Allez, casse-toi ma grande. Tu m'en diras des nouvelles de ta soirée!"
Lui emboîtant le pas je fermais les stores du magasin. Je lançais alors à voix haute à Poppy : "
Ok. J'te laisserais lui régler son compte. Mais uniquement à partir de Novembre quand elle devient une acheteuse un peu plus frileuse." Clin d’œil amusé suivi d'un petit signe en guise d’au revoir, et je sortais de ma boutique. Je me retrouvais maintenant seule et cette connasse avait réussi à me refaire penser à tout ça. Ces guerres.. Elles s'étaient enchaînées à la même période pendant deux années. Un frisson me parcourrait le corps, le même à chaque fois. Le soleil se couchait, les rues se vidaient doucement. Un silence apaisant en apparence pourtant dans ma tête ça avait recommencé. Le bruits des armures qui se brisent, les cries d'encouragement mêlés à ceux de souffrances.. Le Mont Othrys. La silhouette du titan Krios, sa façon d'écraser mes camarades et moi.. impuissante. Une vraie loque, blessée assez vite à la jambe.
Et l'année suivante nous remettions ça, toujours au front pour cette fois-ci faire tomber cette salope de Gaïa. Mieux préparée, j'avais veiller à tenir sur la longueur cette fois-ci. Mais pour chacune des deux guerres, le pire pour moi n'était pas de les avoir vécu, mais d'en revenir. Je n'avais jamais fait autant de bouquets.. Mais sauf que là, c'était pour fleurir des tombes.
Mon esprit embrumé par ces souvenirs revenait soudainement revenait à moi.. Il fallait rentrer, voir du monde, tenter d'oublier à nouveau pour ce soir.
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- 9 juin 2017, Nouvelle Rome. Fin de soirée, au comptoir d'un bar.
"..
Et là elle m'a clairement fait comprendre qu'avec Noah c'était pour le cul! Et oui je suis on ne peut plus sérieuse." J'aimais ça. Voir l'étonnement sur le visage des gens, savoir que je leur ai appris quelque chose et surtout faire prendre conscience aux autres de la nature des gens qui les entourent. Comiquement désespérée, je lâchais ensuite :"
Du coup ce soir je sais pas si on doit boire pour fêter le message d'espoir qu'elle transmet à toutes les célibataires sacrément moches ou.. pour oublier qu'un nouvel étalon s'en va chevaucher des territoires hostiles!" Les rires fusaient autant que les verres se vidaient. Méchante ? Ou encore hautaine vous dîtes ? Arrêtez. Le commérage c'est juste de l'humour, le problème avec lui ? C'est qu'il se rapproche toujours plus de la vérité.
Après avoir bien profité, je m'apprêtais à sortir. Soudainement une vieille "connaissance" m'attrapa par le bras. C'était presque brutal. Son regard et sa posture étaient désinvoltes. Cette même personne me lança : "
C'est plutôt malin hein. Pendant que tu parles des autres.. Que tu lynches chacun de leurs mouvements.. Qui parle de toi ? " J'étais incapable de bouger tellement j'étais surprise. Nos regards s'entrechoquaient.. Mais le sien avait une intensité qui l'emportait clairement. "
Tu peux la faire à qui tu veux. Mais ceux qui te connaissent un peu savent que tu pars en couille depuis.." Je ne voulais plus entendre. Repoussant son bras, je l'agrippais par le haut avec une rage phénoménale et presque.. Incontrôlable. "
Je.. je.. " J'ai perdu ma répartie oui.
Et merde.. j'avais soudainement une grande envie de chialer. Comme une profonde tristesse qui s'était caché dans ma colère. Mes émotions en vrac prenaient souvent le dessus dans ce genre de situation. Lâchant son p'tit tee-shirt, je me reculais, tentant de reprendre une posture calme. "
Depuis quand tu penses à quelqu'un d'autre qu'à toi-même déjà ? Alors s'il te plaît.. Remballe tes faux airs de rebelles et vis ta p'tite vie sans te mêler de la mienne." Qu'on parle de moi, qu'on me critique, pas de soucis. C'est rançon de la gloire, je ne peux pas y échapper surtout au vue mon niveau olympique de commérage.. Mais qu'on ne me parle plus du passé.
En réponse j'avais eu droit à un sourire dès plus provoquant et moi, à ce jeu-là, j'aime renchérir. "
Et ne t'inquiète pas, je n'parle uniquement que des gens qui en valent un minimum la peine.. Félicitation, tu es donc sauvé!"