Tout autour d’elle, des légionnaires s’entraînant, le bruit des épées s’entrechoquant, leurs chaussures glissant sur le sol en terre battue d’où se soulèvent des nuages de poussière. Personne ne connaît le repos même après une guerre, même après des morts, même après tout ce qui s’est passé. L’atmosphère est différente dans tout le reste du Camp, comme si les fantômes les hantaient.

Mais dans les terrains d’entraînements il n’y a pas de place pour le deuil, il n’y a pas de place pour des fantômes. Luca prend une grande inspiration et termine de lacer ses sneakers avant de rejoindre l’une des arènes où la silhouette de Vega se dessine. Ces derniers temps, les deux romaines s’entraînaient énormément ensemble, enchaînant combat après combat comme si rien ne pouvait les arrêter. Même avec les muscles criant de douleur, même avec le front trempé de sueur, même avec la nuit tombant sur le Camp, elles ne se stoppaient que lorsque l’une d’entre elles s’effondrait d’épuisement. Les légionnaires autour d’elles les observaient souvent d’un air inquiet, n’approuvant sûrement pas ce drôle de rituel. Mais c’était leur façon de se lâcher, de soulager la rage qui les rongeait depuis la bataille contre Gaïa. Elles ne parlaient pas, mais ces combats avaient quelque chose d’expiateur, comme une catharsis de toute leur douleur. On voulait qu’elles lâchent prise, qu’elles finissent par se confier sur le mal-être qu’elles devaient ressentir. Mais elles se battaient inlassablement, comme s’il n’y avait que par la force qu’elles pouvaient se délivrer de leurs sentiments. C’était leur unique moyen d’oublier, le temps de quelques heures, ces horribles instants passés sur le champ de bataille, le vrai.

« Salut Vega. » Fit-elle en arrivant à la hauteur de la fille de Flore. Luca n’était pas connue pour être très causante, se contentant généralement de quelques mots. Elle déploya sa lance en or impérial, fit quelques moulinets avec avant d’en poser l’extrémité au sol. Avec Vega, elle avait trouvé une adversaire redoutable, la poussant toujours à se surpasser elle et ses limites. Même avec ses médailles de championne de lutte et son don bien pratique quand il s’agissait de combats, Vega lui causait quelques difficultés, étant elle-même une combattante très bien entraînée.

Luca fit signe à deux légionnaires de sa cohorte qu’ils pouvaient prendre leur pause, leur laissant ainsi une parcelle de terrain où elles pouvaient s’entraîner. Généralement, leurs combats attiraient quelques spectateurs mais la fille de Victoria avait l’habitude avec les multiples compétitions auxquelles elle avait participé quand elle était plus jeune. Elle se mit en position de combat, laissant à Vega l’occasion d’attaquer en première.

Vega, la lame le long du corps, se met à marcher et Luca l’imite aussitôt sans la perdre du regard. Deux fauves qui se tournent au tour, attendant que l’autre dévoile une faille, un flanc à percer. On retient son souffle dans le maigre public sans savoir quand le moment fatidique arrivera. Luca ne mène pas la danse, se contentant de marcher au même rythme que son adversaire, les sens aux aguets, les doigts serrés sur le manche de sa lance. Brusquement, Vega bouge vers la droite, préparant ce qui semble être une attaque de ce côté-là, alors la californienne décide d’envoyer sa lance pour parer l’attaque – mais ses mains bougent autrement et, tandis que son adversaire attaque rapidement vers son flanc gauche, sa lance bouge toute seule et bloque Vega. Merci maman et ses pouvoirs cheatés. Luca réfléchit très vite, considérant la situation. Elle a réussi à coincer Vega mais pour une poignée de secondes seulement, elle ne peut pas se permettre d’attaquer avec beaucoup de force en vue du temps. Elle doit juste riposter, envoyer balayer son adversaire. Et même si l’instinct l’aide beaucoup, mais il ne fait pas tout. Elle doit se servir de sa tête, bander ses muscles, doser la puissance de ses coups. Plus le temps de réfléchir. Elle tient Vega entre ses mains, elle a l’avantage sur elle. D’un mouvement du bras elle dégage sa lance, l’enfonce dans le sol en terre battue pour s’en servir comme un appui et envoie son pied faucher les jambes de sa partenaire dans l’espoir de lui faire perdre l’équilibre, voire la faire manger la poussière. Être envoyé au tapis dès le début d’un combat est souvent dur pour le moral, elle compte là-dessus pour pouvoir garder l’avantage sur Vega. Elle n’a rien d’une combattante sadique ou acharnée, réfléchissant juste méthodiquement comme s’il s’agissait d’une partie d’échecs. Un coup ici, un coup là. Elle a juste besoin de se changer les idées en se battant avec quelqu’un. Réfléchir à ses coups, à comment parer ceux de l’adversaire. Sentir la sueur couler sur son front et le long de son dos, sentir ses poumons brûler à chaque respiration, mordre la poussière et se relever encore et encore.

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Son coup marche. Vega tombe par terre, ce qui laisse le temps à la fille de Victoria de se reculer et de se remettre en position défensive tandis qu’elle se relève rapidement, signe de son infatigable optimisme. Luca la voit préparer sa dague et se remet à marcher silencieusement, guettant le moindre mouvement, la moindre ouverture. Elles se tournent autour, l’atmosphère électrique, attendant que l’une ou l’autre déclenche l’étincelle. Luca dans sa patience exemplaire ne montre aucun signe, arborant un visage de marbre, ses doigts resserrés sur le manche de son arme, prêts à la déployer au moindre geste. Finalement, Vega bouge à nouveau, se positionnant face à Luca. Celle-ci s’attend à un coup armé, mais c’est un essaim d’abeilles qui fonce sur elle et lui bloque la vue. Instinctivement elle recule, tenant sa lance de ses deux mains sans savoir d’où les coups viendront. Les yeux clos, elle tente de se dépêtrer des insectes qui lui obstruent la vue – si elle ne voit pas le coup venir, elle risque de le payer cher. Le bourdonnement dans ses oreilles l’empêche de se baser sur le son. Elle ne peut pas compter sur ses sens pour se défendre, elle doit agir. D’un large mouvement du bras, elle fait passer la lance dans sa main gauche et le fait tournoyer, chassant la masse d’abeilles par la même occasion. Un petit sourire se dessine sur les lèvres. Joli coup venant de la part de Vega, mais pas assez pour la déstabiliser. Elle la voit se diriger vers sa droite et l’attaquer – mais la brune l’évite en se décalant et profite de son élan pour la repousser d’un coup de manche dans le dos. Bien que Vega soit dans une position défensive, prête à parer toute attaque, Luca repasse sa lance dans sa main dominante et la fait tournoyer au-dessus de sa tête avant de lui asséner un coup dans les côtes. Si Vega compte jouer sur la défensive alors elle usera d’attaques offensives jusqu’à réussir à faire une percée.

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