(vingt-trois décembre 2016 ; milan, italie) Les repas de famille, ont toujours été quelque chose qu'Asha aimait. Tous les soirs, la famille Del Moro dîne ensemble, c'est une tradition depuis toujours, enfin aussi loin que la jeune femme puisse s'en souvenir en tout cas. Sur les six enfants issus de Ricardo et Emilia Del Moro, Asha est l'aînée. Seule, elle est issue d'une liaison de son père. Liaison un peu particulière, puisqu'elle est la fille d'une déesse grecque, ce que quatre de ses frères et soeurs acceptent très bien, puisque le patriarche a préféré avouer la vérité à toute la famille, n'aimant pas les mensonges. Nathan, de quatre ans son cadet est celui avec qui la demi-déesse s'entend le mieux. Très intelligent lui-même, (pas autant qu'Asha, soyons francs) elle aime passer du temps avec lui, et l'aide pour ses études de médecine quand elle rentre à Milan pendant les vacances. Viennent ensuite Théodore et Blaise, les jumeaux de dix-sept ans, qui eux aiment taquiner Asha sur sa condition de demi-déesse, ce qui lui arrache quelques sourires. Vient ensuite Eliza, qui n'a pas vraiment d'opinion sur la chose, la jeune fille de seize ans s'en fiche un peu, c'est la plus discrète de la famille, créant un contraste affolant avec les deux jumeaux. Et pour terminer, Emma. Quatorze ans, et en pleine crise d'adolescence. Complètement jalouse qu'Asha ait des pouvoirs, soit "spéciale", elle en fait voir de toutes les couleurs à son père parce qu'elle est tout ce qu'il y a de plus normal, comportement qui désole totalement Asha. Elle aimerait l'emmener un jour avec elle face à un monstre, qu'elle voit si la vie de demi-dieu est aussi sympa qu'elle se l'imagine.

Noël approche et les jumeaux deviennent incontrôlables à cette période de l'année. « A table ! » s'exclame Emilia depuis la salle à manger. Asha apporte un saladier rempli de salade sur la table où sont dressés huit couverts. Rapidement, tous les enfants arrivent, et le dîner est servi par les deux aînés de la famille. Comme toujours avant Noël, la matriarche fait son repas dont elle seule connaît la recette qu'elle tient de sa famille, réjouissant tous les ventres autour de la table. « Papa ? » Première fois depuis le début du repas qu'Emma prend la parole, ce qui étonne tout de suite Asha qui lève la tête pour suivre cette conversation. « Oui ma chérie ? » Il faut dire que c'est l'une de ses seules filles, quoique la parité est bien respectée chez les Del Moro, Emma qui est la plus jeune reste toujours sa petite princesse, sa petite protégée. « Tu m'emmènes quand acheter mon nouveau téléphone ? » Asha s'étouffe presque en mangeant en écoutant ses paroles, ce qui lui attire un regard hautain de la benjamine de la famille. « C'est une blague j'espère ? Tu l'as changé il y a six mois Emma. » Emma s'esclaffe avec un air supérieur. « Qu'est-ce que t'en sais ? T'es jamais à la maison. » Asha lui lance un sourire faux. « Peut-être, mais certains ont des choses plus importantes à faire qu'écouter tes enfantillages. Et je te rappelle que j'ai papa ou Emilia au téléphone tous les trois jours, je sais suffisamment de choses sur ce qui se passe dans cette maison pendant mon absence pour savoir que t'es une gamine bien trop capricieuse.  » A l'intérieur Asha perd tout son calme, mais son visage est impassible, elle ne lui fera en aucun cas le plaisir de s'énerver. Elle sent la main de Nathan presser la sienne, elle lui lance un sourire. « Ah oui c'est vrai. Tu es trop occupée à construire tes cabanes et tuer tes monstres imaginaires. » Elle rigole comme si elle avait lancé la blague du siècle, mais Asha la tue du regard. Elle se reprend et lui lâche un grand sourire. « La prochaine fois qu'il y a une bataille, tu viendras avec moi. Tu pourras sauver ton petit cul et celui du monde entier par toi-même. On verra alors si ils sont imaginaires. » Blaise se racle la gorge, parce que lui il a rien à faire au milieu de tout ça, il trouve ça plutôt cool au contraire d'avoir une grande soeur comme Asha, surtout pour faire ses devoirs. Cette dernière se lève, murmurant un simple "j'ai plus faim" et sort de la maison. La brise caresse sa peau nue, et elle soupire. Comment peut-elle être aussi ignorante après tout ce qu'Asha lui a dit sur les batailles qu'elle a dû mener contre son gré pour garder le monde en un seul morceau, risquer sa peau pendant qu'elle se dorait la pilule. Elle ouvre les yeux à nouveau, et marche, loin de la maison, loin de ces bêtises. Elle se souvient très bien comment ça s'est passé lorsque son père a annoncé à tout le monde qu'elle n'était pas la fille d'Emilia (elle, était en revanche au courant depuis toujours), l'incompréhension qui se lisait sur leurs visages, la joie de Blaise et Théodore qui se sont rendus compte qu'ils pourraient aller squatter chez leur soeur aînée aux Etats-Unis quand ils voulaient, leur déception quand elle leur a dit qu'ils ne pourraient pas rentrer à la colonie, leur excitation en réalisant qu'elle pourrait faire leurs devoirs, la déception à nouveau quand elle les a menacé de les pendre par les pieds si ils avaient des idées aussi stupides la prochaine fois. Tout prenait sens, pourquoi elle allait étudier aux Etats-Unis, pas simplement pour sa dyslexie très prononcée et son hyperactivité, parce qu'elle n'appartenait pas à Milan, à la vie que cette famille mène sans elle. Parce qu'elle appartient à un monde différent. Ouais, un monde, une vie différente. Elle marche jusqu'au bord de la falaise, s'assoit sur le banc qui y est installé, et laisse le soleil s'abattre sur son doux visage. it feels like heaven.