aramis & mica

carabines et maison hantée

Quand j'étais gamin, mon père m'emmenait souvent à la fête foraine de Liverpool. Elle se déroulait à l'extérieur de la ville dans un énorme champ et je me souviens que le vendeur de barbe-à-papa diffusait des vieux tubes des Beatles à fond. Quand on a déménagé, il a continué à m'emmener à la fête foraine, celle de Chicago cette fois. Il y avait pas de Beatles, mais leur galerie des glaces était immense alors ça rattrapait le coup. J'ai jamais été un grand fan de sensations fortes, je préfère avoir les pieds bien ancrés par terre que dans un roller coaster qui va tellement vite que si jamais un truc merde dedans, tout le wagon finit encastré dans le mur le plus proche. Par contre, j'adore l'ambiance de ces fêtes, l'odeur de churros qui flotte partout, les lumières des manèges quand la nuit commence à tomber, les hurlements des malades qui tentent les montagnes russes ou se sont aventurés dans la maison hantée...

Comme mon père est parti cet été en Afrique avec Médecin sans frontières et que j'ai dû rester alité un bon moment après la bataille contre Sol, j'ai pas eu l'occasion de me balader dans une de ces grosses kermesses depuis une blinde et ça me manque. C'est pour ça que quand, en allant à la colonie des sangs mêlés pour proposer une nouvelle pommade de mon invention aux médecins grecs, j'ai vu qu'une fête foraine s'était installée pas très loin de là, je me suis dis que c'était trop beau pour pas en profiter. Et comme y aller seul ça me branchait pas trop, j'ai décidé d'emmener Aramis avec moi.

Si moi je peux parfois avoir l'air d'un excité du bulbe, c'est rien à côté d'un fils d'Hermès. Déjà qu'Hermès c'est un Mercure arraché au Red Bull, le moins qu'on puisse dire c'est que sa progéniture lui fait honneur. Un jour il faudra vraiment que je fasse une étude sur la génétique des demi-dieux, pour voir si on tient biologiquement plus de notre parent divin ou de l'humain. Putain c'est super cool ça comme idée de thèse pour mes études ! Faudra que je note ça quelque part... Quoiqu'il en soit, j'ai pas eu besoin de beaucoup d'arguments pour convaincre Aramis de m'accompagner et franchement, ça me fait plaisir d'être ici avec lui. Outre le fait que c'est grâce à lui que j'ai commencé à réfléchir très sérieusement à la mise en place d'une carte de fidélité pour tous les soins que je lui prodigue, c'est un mec super bon délire. Quand je passe à la colonie, c'est le premier que je vais voir pour lui faire un coucou avant d'aller à l'infirmerie.

Autour de nous, les forains tentent de nous attirer à leurs stands de tire à la carabine en nous montrant tous les lots que l'on peut gagner, pendant qu'un type un peu plus loin agite des hot dogs plein de ketchup et de graisse. Je me tourne vers Aramis et lui demande : « Bon vieux, on va où tu veux. Si tu veux on commence par la carabine, j'ai vu que y'avait des maxis nounours à gagner, je pourrai en ramener un à Luca, tu sais la nana que j'aime bien au camp Jupiter. Ou alors on se fait la maison hantée... Enfin c'est comme tu préfères ! »

aramis & mica

carabines et maison hantée

Fête foraine, fête foraine, fête foraine! Aramis chantonnait à l'intérieur de sa tête tandis qu'il se rendait jusqu'à la fête foraine où il devait rejoindre Mica. Mica c'était ce romain qui le recousait de temps à autre, quand il faisait des chutes un peu plus violentes que les autres ou quand un énième Arès avait réussit à lui mettre la main dessus. Cela n'arrivait pas souvent parce qu'il fallait bien l'admettre, ces gars avaient de la purée à la place du cerveau mais, des fois, Aramis n'avait juste pas envie de courir. Alors, il se laissait attraper, un peu frapper dessus et quand il en avait assez il se téléportait ailleurs avant d'aller à l'infirmerie. Et comme Mica, même s'il était romain, semblait avoir une passion pour la colonie, dès qu'il était là, Aramis patientait pour se faire soigner par lui. Juste parce qu'il s'amusait aussi avec lui. Un T-shirt bleu, marqué "Je ne suis pas un chat", un jean et des basket, le garçon était prêt à s'amuser. Cela faisait des années qu'il n'avait pas mis les pieds dans une fête foraine. Il faut dire que ce n'était pas le genre d'endroits où les gens de la colonie allaient l'emmener. Et comme il y était depuis ses quatre ans, il y avait beaucoup de choses qu'il ne connaissait pas du monde extérieur. La dernière fois qu'il était partit dans une fête foraine, c'était avant que sa mère ne le mette à la colonie. Donc, il y a très très longtemps. Il n'en avait pas beaucoup de souvenir. Voir aucun. Quelques réminiscences de couleurs, d'odeurs et d'impressions. Mais c'était tout. Sifflotant, les mains dans le dos, il souriait, se demandant bien ce qu'ils allaient pouvoir faire. Il rejoint le fils de Salus avec un grand sourire sur le visage, les yeux brillants d'excitation et en sautant sur place. Il regardait les stands qui défilaient devant ses yeux avec une grande curiosité. Et y avait des jouets. Il pouvait les prendre comme ça? Il n'en savait rien mais, il comptait bien repartir avec un de ces trucs ce soir. Nourriture, jeux, bruit, couleurs, odeurs, tout était là pour requinquer immédiatement le gamin. Il était prêt à faire des folies. Quand l'autre lui annonça que c'était à lui de commencer à choisir, il eut un grand sourire. Et tandis le bras dans une direction, très rapidement.

-"LES AUTOS TAMPONNEUSES! TAMPONNNNEUUSSESS!"

Il courut dans la direction de l'attraction en agitant les bras comme un fou.  Il lui fit signe de se dépêcher avant de rentrer directement dans une des voitures. A lui de voir s'il allait se mettre dans la même auto ou en prendre une autre. De toutes les manières sa serait fun quoi qu'il se passe. Sans doute aussi parce qu'il ne comprenait pas nécessairement le concept. Il avait juste vue une voiturette et des autres voiturettes. Il n'avait jamais conduit de voiture. Il faut dire que le permis ne fait pas partit des pré-requis à la colonie. La dernière fois qu'il avait mis les mains sur un volant, la bécane avait finit dans un arbre. Oupsi doupsi. Mais, là il y avait des bords, il devrait réussir à ne pas dépasser pas vrai? Enfin, il espérait bien que cela marcherait. Au pire, il se téléporterait avant le crash comme la dernière fois. C'était tellement plus simple comme ça. Enfin c'est ce qu'il pensait.

-"Dit, dit, dit, il est où le champignon sur lequel il faut appuyer?"

Il avait entendu ça dans les rares séries qu'il avait vue. Que voulez-vous, c'était comme ça qu'il fonctionnait. Ce n'était pas une grande nouvelle mais, de temps à autres, cela surprendre. A voir comment ce cher Mica le prendrait. Aramis était juste content d'être sortie de la colonie. Et de voir autre chose, cela lui changeait les idées.

aramis & mica

carabines et maison hantée

Franchement, en voyant l'enthousiasme d'Aramis, je comprends pourquoi les parents aiment autant emmener leurs mômes à la fête foraine. Voir leurs petits yeux tout brillants de bonheur ça doit réchauffer le cœur comme rien d'autre au monde. Le fils d'Hermès coure partout comme un gamin et je me sens un peu comme un papa avec son fiston. J'ai l'impression de me prendre 20 ans dans la gueule m'enfin pour une soirée, je peux bien concéder ça. En bon faux papa que je suis pour aujourd'hui, je laisse à Aramis le choix de la première attraction et sans surprise, il se jette limite sur les auto-tamponneuses. J'éclate de rire et le suis en courant. Je prends le temps de nous payer deux tickets au guichet et tends 4$ à la grosse dame qui tient l'attraction en regardant une rediffusion d'un épisode des Feux de l'amour sur une mini télé posée sur son bureau, avant de m'installer dans le véhicule qu'à choisi Aramis, juste à côté de lui – vu que je sais pas trop si il sait comment conduire ça, je préfère rester pas loin au cas où il nous ferait exploser le truc. Rapidement, je m'assure qu'il y a aucun môme qui traîne dans le coin – ça serait con d'en écraser un quand même – puis explique vite fait comment mettre la machine en route. « Tiens, mets ce jeton dedans et... voiiiilà elle est en marche. Alors le principe c'est normalement t'as une pédale à ta droite, t'as juste à appuyer dessus pour avancer. Pour reculer, il suffit que tu tires le levier qui est à côté de toi et pareil, t'appuies sur la pédale, ça ira tout seul. »

Je suis sur le point de me taire, mais j'ai soudain un flash : Aramis est un fils d'Hermès. Un fils de Mercure donc. Sachant que les enfants de Mercure au camp Jupiter sont à mi-chemin entre des tornades et des ouragans quand ils passent quelque part, j'ose pas imaginer ce que les gamins de la version grecque peuvent faire au volant d'une auto-tamponneuse. Et comme je suis un mec prudent, je complète : « Juste, règles de sécurité avant de commencer : on fonce pas sur les gens qui sont pas dans des auto-tamponneuses, on y va mollo quand ce sont des enfants qui conduisent et on essaie de tuer personne. Et évite de te téléporter aussi, ça risque de faire paniquer la foule si tout d'un coup tu disparais, même si la brume leur montrera probablement un autre truc... En tout cas garde à l'esprit que quoi qu'il arrive, je te soignerai. Et oublie pas : on tue personne. » Je le rappelle parce qu'on est jamais trop vigilent avec les demi-dieux en général. Je suis bien placé pour le savoir parce que j'en suis le parfait exemple.

Seulement, j'ai l'impression qu'Aramis en a rien à s'couer de mes avertissements et que le truc qui l'intéresse le plus dans tout ça, c'est de savoir comment on klaxonne. Je souris avant de froncer les sourcils en cherchant des yeux le bouton à cet effet mais.. ah si. Je pointe du doigt un gros rond rouge en face du levier pour passer la marche arrière : « C'est là je crois. Et puis au pire si c'est pas ça, tu peux toujours hurler pour prévenir les autres. Ça t'as le droit. » Je m'installe ensuite bien confortablement et après avoir pris une grande inspiration, préviens Aramis : « Ok tu peux y aller je suis près ! » Je l'ai déjà dit, je suis pas un grand fana des sensations fortes. En principe, faire de l'auto-tamponneuse ça me dérange pas parce que y'a – encore une fois en principe seulement – pas trop trop de chances de finir encastré dans un mur et de mourir quand on est dedans. Mais là c'est Aramis qui est aux commandes, j'ai de très très gros doute sur le fait qu'il ait déjà touché un volant de sa vie – je suis même quasiment sûr qu'il l'a jamais fait, à quoi bon se faire chier à conduire quand on peut se téléporter où on veut hein ? – alors forcément, je me prépare à voir ma vie défiler devant mes yeux. Aramis appuie sur la pédale d’accélération et je suis sûr qu'on a décollé du sol. Je sens que je vais pas faire long feu moi.