Encore une fois, la fillette comptait les étoiles imaginaires qui dansaient au plafond. Plus il faisait noir, plus elles devaient briller. Oui, c'est ce que Rose chantonnait dans sa tête. Encore une fois, elle était punie, enfermée dans la cave de la maison.
« Pourquoi le coeur de maman est-il si noir ? » se posait sans cesse la prisonnière.
« Pourquoi est-elle si fâchée contre moi ? » elle se mit à sangloter. Les étoiles disparurent, et le vide s'installait de nouveau. Elle avait le sentiment de suffoquer, le sentiment de ne plus appartenir à aucun endroit, à aucun monde. A travers le sol de la grande salle, juste au dessus de la fillette, on pouvait entendre des cris de colère. C'était sans doutes les parents qui se disputaient pour la énième fois au sujet de leur fille. Il y a neuf ans, un homme désespéré gisait sur leur pallier. Pâle, et semblant avoir perdu tout sens, il tenait quelque chose dans ses bras. Il l'empoignait comme si c'était la
- dernière - chose qui le tenait en vie, qu'il lui donnait espoir. Cette chose c'était son enfant, la prunelle de ses yeux. C'était la perle la plus précieuse du monde qui était dans ses bras,
le dernier souvenir qu'il avait d'Elle. Madame Ikanova ouvrit la porte, vit l'homme et referma immédiatement, pensant qu'il s'agissait d'un pauvre venant mendier. L'homme bloqua la porte de sa frêle main, qui manqua de se briser. La femme au tempérament impulsif donna un coup de pied pour se dégager de l'intrus et à cet instant, vit ce qu'il tenait en son sein. Un magnifique bébé, d'une innocence si pure qu'elle adoucit la femme instantanément. Aujourd'hui, ce nourrisson est sa fille. Madame Ikanova et son mari ont pris en charge l'enfant et l'on chéri comme leur propre fille. Malheureusement, tout ne se passa pas comme prévu. L'illusion d'une vie rose et sans difficulté se déconstruisait au fur du temps. La mère de Rose semblait accroitre une certaine haine envers cette dernière, au grand dam de son père. D'origine, c'était de la peur. Elle s'était confiée à son mari, effrayée à l'idée d'élever un enfant si spécial et cet enfant n'était pas de n'importe qui. C'était l'enfant de la vengeresse, et c'est l'homme de ce soir-là qu'il l'avait affirmé. Comment pouvaient-ils garder cette créature sous leur toi et garder le secret ? Pour Madame Ikanova, s'en était trop. Plus le temps passait, plus elle avait de mal à cacher ses peurs et sa haine grandissante. Du côté du père, plutôt effacé, il essayait de calmer sa femme en vain car au fond de lui il partageait ses craintes. Rose était enfermée dans la cave, humide et glaciale, et cela engendrait une nouvelle fois un conflit. La mère qui aimerait se débarrasser d'elle, et le père pris de remords qui voudrait faire sortir leur fille de cet lugubre endroit.
« elle n'est pas comme nous et tu le sais, Viktor. je n'en peux de cette situation. je.. je n'arrive même plus à la regarder dans les yeux, te rends-tu seulement compte ? » s'écriait-elle.
« l'important c'est que c'est notre fille.. nous devons nous occuper d'elle. C'est notre devoir et cela depuis plus de neuf ans. tu es trop cruelle. et si Elle revenait ? si Elle apprenait ce qu'on lui fait subir ? » sa voix montait.
« Voilà ! C'est exactement ça dont je te parlais. Nous vivons dans la peur depuis bien trop longtemps il faut que ça cesse.. » elle devenait hystérique. D'en bas, Rose ne pouvait entendre que des bourdonnements, parfois un peu plus fort que d'autres. Elle chantonnait, la Rose, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour ne plus pouvoir entendre ces bruits. Elle savait qu'ils parlaient d'elle. La jeune fleur avait froid et commençait à avoir peur.
Quand cela cessera-t-il ? Se roulant en boule, la fillette senti un sentiment de rage monter. Ce jour allait arriver bien plus vite qu'elle l'eut crû.
Cela fait presque six ans que Rose est placée en famille d'accueil. La fleur a échangé sa tige lisse et fragile pour d'imposantes ronces munie d'épines noires. Intouchable était la belle. Encore aujourd'hui en Russie, on parle de l'effroyable meurtre des Ikanova. Retrouvés au pied du lit conjugal, ils étaient recouvert de sang. On remerciera jamais assez le ciel pour avoir épargné leur fille qui a été elle, retrouvée dans la cave.
Rose scruta le fameux journal qu'elle garde depuis cette nuit là. Comme pour s'infliger une souffrance, un tourment infini que jamais elle n'effacera de sa mémoire.
Ils le méritaient. Ces mots, elle n'osait pas les prononcer à voix haute mais en secret, elle les hurlait dans sa tête. Rose n'était pas restée tout la soirée dans la cave. Elle avait réussi a sortir, et elle eu le temps de prendre un couteau dans la cuisine pour pouvoir faire un carnage. Malgré son jeune âge, elle n'eut aucune hésitation, aucune pitié pour ses parents. Voir leur visages se remplirent d'effroi et de douleur fut si délicieux qu'elle ne put s'arrêter. Lorsqu'elle se remit de sa frénésie, elle a appela la police et regagna la morbide cave tout en souriant. Rose mit ses écouteurs pour essayer d'échapper aux voix qui crient dans sa tête.
« meurtrière » qu'elles hurlent.
✺ ✺ ✺
Il faisait sombre. La jeune fille titubait au milieu des bois, cherchant à échapper à ces présences. Ces ombres, ces démons qui la suivent depuis qu'elle avait goûté à l'enfer. La guerre avait tout détruit, tout emporté sans oublier de déchirer tout ceux qui avait pris les armes. Comment retrouver une vie normale après ça ? Comment réapprendre à aimer lorsque l'on a tout perdu ? Tobias est mort et ça, Rose ne pouvait le supporter. Il était son confident, son pilier, son grand frère. Des nuits durant, elle pouvait entendre résonner ses dernières paroles. Ce soir était la pire. C'est comme si l'ont lui avait arraché sa moitié, sa seule raison d'avancer. Rose s'écroule sur le sol mousseux et humide. Elle hurle.
« laissez-moi. LAISSEZ-MOI. » elle manqua de réveiller le camp tout entier. Frénétiquement, elle se mit à griffer le sol jusqu'au sang, le tabasser jusqu'à s'en broyer les cheville. Sentant l'énergie qui se vidait en elle, elle se recroquevilla en position foetale en attendant la délivrance. A cet instant, Rose pensa à sa mère. Qu'aurait-elle fait,
ce soir-là ? Aurait-elle laisser les parents adoptifs de sa fille continuer de la briser au fil du temps ? Sur le champ de bataille, aurait-elle venger les assassins de Tobias ? La lune éclairait faiblement le ciel recouvert de son plus beau manteau noir. Un léger brouillard dansait dans le sous-bois, comme pour métaphoriquement représenter le poids que porte tout ces enfants brisés par la guerre. Ils ne sont plus que coquille vide, qui se laisse porter par la brise du soir à un point de non-retour. Rose tenta d'essuyer ses larmes, le sang s'accrochant à ses joues.
« trouve la force, rose. » était-elle en train de rêver ? La jeune femme n'avait jamais entendu cette voix auparavant. C'était une voix féminine, ferme avec une pointe de sagesse. Cette voix était certes inconnue, mais la brune savait à qui elle appartenait.
« némésis.. » chuchota-t-telle.
« relève toi. » Rose n'en fit rien. Elle ne sentait plus jambes et ses mains trop douloureuses pour l'aider à faire quoi que ce soit. Elle eut un rire nerveux, trouvant ironique d'entendre la voix de sa mère à cet instant. Elle qui n'a jamais daigné se montrer, aider sa fille durant les épreuves difficiles auxquelles elle a pu être exposée. Elle ne lui a jamais parlé, jamais dans un rêve, ne lui a jamais souhaité
bonne nuit.
« va-t-en. » chuchota Rose. Elle ne voulait pas d'elle,
plus maintenant. Utilisant le peu de force qu'il lui restait, la jeune fille essaya d'attraper une vulgaire pierre allongée près d'elle. Avec beaucoup de difficultés, elle la jeta dans la direction où la voix résonnait.
« je ne veux plus t'entendre.. ». La tristesse n'était que trop grande, l'ouragan d'émotion ravageait encore la brune, qui retomba en larmes de nouveau. Le silence de la forêt refit surface, laissant place qu'au hululement des chouettes et au chant de l'air léger. La peur et le chagrin s'entre-mêlèrent pour laisser place au vide. Orphée rendit visite à la fleur, qui s'endormit, sanglots et sang qui perlaient sur ses joues délicates.
A l'horizon, les oiseaux se battaient pour garder une proie. Coups de bec et d'ailes, seul le plus fort pourra prétendre dominer les autres. Dans son carnet, Rose tentait de dessiner la scène
- violente - qu'elle trouvait d'une grâce sans pareille. Le vent dansait dans ses cheveux noirs comme la nuit et léchaient les pages du carnet d'une façon insistante. Rose posa son crayon. Elle fixa les oiseaux, analysa celui qui se démarquait, celui qui avait vaincu tout les autres.
« sois le roi des cieux, le plus apte a voler dans le plus orageux des ciels, celui qui guide, celui qui délivre la sentence. » elle comprit. La jeune fille se leva, rangea son carnet, essuya la larme qui avait coulé sans qu'elle n'y prête attention. Sur le chemin du retour, elle fit en sorte que personne ne la croise dans le camp. Ne voulant parler à personne, ne voulant pas voir d'autres âmes esseulées. Dans sa chambre, Rose ouvrit le tiroir en dessous de son lit. Elle y prit la dague qui se cachait dans un tissu pourpre. D'un geste, l'arme blanche sa changea en une lance imposante et dangereuse. Rose caressa le métal, glissa son regard sur la lam argentée. Elle souffla. Ferma les yeux un instant et les rouvrit. Son regard était allumé d'une nouvelle lueur, un feu nouveau et déterminé.
« sois celle qui délivre, sois la chasseresse invisible, sois la vengeance. »