Fête de l’Aubépine – 13 jours après Beltane. Beltane avait toujours fait partie de ses sabbats préférés. Il était le sabbat de la sexualité et l'on célébrait le mariage sacré du grand Dieu sacré avec la grande Déesse sacrée. Annonçant, la première moitié du printemps, le rite s'était particulièrement bien passé. Il s'agissait pour les femmes avec une volonté de grossesse, de sauter au-dessus d'un feu brûlant des neuf bois sacrés, apportant chance, repoussant le mal et faisant croitre le potentiel de fécondité. Bien évidemment, comme à chaque fois le cercle c'était réuni ce jour-là pour annoncer également aux dieux les futures fêtes sacrées du mois du ruban. Les Dieux y étaient conviés. Toujours.
Elle n'avait pas de mari, ni de compagnon, mais pour autant son horloge biologique, comme n'importe quelle femme à partir d'un certain âge commençait à lui envoyer quelques signaux. Elle était prête à devenir mère. Elle le voulait, plus que tout au monde. Et cette année serait la sienne. Elle avait réussi avec facilité le rituel des bois sacrés et depuis ce jour-là, elle priait sa déesse patronne, Hécate, de lui apporter un homme qui saurait la combler, au moins pour un soir, de sa présence et de toute une vie, de part sa descendance.
Ce soir-là, était un soir bien spécial et certains de ses guides lui avait annoncé que c’était le grand soir pour elle. Que sa mère spirituelle allait exaucer son vœu. Et cela ne pouvait pas mieux tomber que le soir de la fête de l’Aubépine. Étant l’arbre de la purification, des fées et de l’éloignement du mal, elle ne pouvait que se réjouir. Comme elle le disait souvent :
« L’univers t’écoute, t’entend et t’exauce au mieux. »Elle était l’une des grandes prêtresses de son coven. Ses dons remarquables et ses capacités l’avaient très rapidement rendu indispensable au groupe. Nombreux l’écoutaient. Nombreux la considéraient comme une sœur et jamais elle ne s’était autant senti à sa place parmi son cercle. Elle avait rendez-vous bien avant la cérémonie avec le grand prêtre. C’était une chose invariable. Un pôle féminin pour représenter la Déesse et un pôle masculin pour représenter le Dieu, devait diriger la cérémonie du début jusque-là fin. L’un ne pouvait exister sans l’autre, l’un ne pouvait dominer l’autre. Seul une parfaite équité et équilibre devait régner.
Ils purifiaient et nettoyaient les lieux, afin de n'inviter que de bons esprits et de bons Dieux durant la soirée. Un groupe aussi important, avec une intention et des pouvoirs aussi forts pouvaient attirer beaucoup de « monde », beaucoup de « choses ». Il fallait faire extrêmement attention. Pour la sécurité de tous, pour le bon déroulement de la cérémonie. Les membres du cercle, arrivaient au compte goutte. Et pendant que certains se purifiaient avant la cérémonie et mettaient leur tenu, d'autres méditaient, commençaient à projeter leur intention. Chacun devait préalablement bien se retrouver dans le cercle purificateur après que l'appel des quartiers ait été effectué. Il s'agissait d'une étape importante avant l'appel des Déités et des esprits, car le grand prêtre et la grande prêtresse invoquaient les esprits des quatre éléments au niveau, de leur orientation attitrée (l'air à l'est, le feu au sud, l'eau à l'ouest et la terre au nord), afin d'augmenter et d'ajouter l'énergie des quatre éléments à la barrière de protection préalablement effectuée.
Les Dieux, Déesses et esprits conviés étaient arrivés. L'annonce de l'intention du rituel était lancée, ainsi la célébration pouvait commencer. Ses visions et ses différentes possessions par les esprits rythmaient la cérémonie. Chacun entrait doucement, délicatement en transe. Bientôt certains Dieux, Déesses et esprits décidèrent de se montrer à la vue de chacun. Les toges qui, quelques heures plus tôt recouvraient les corps nus de tous les participants, étaient jetées au sol. La célébration de la fête de l'aubépine finissait très souvent comme cela. Elle était nue également, mais avait repoussé les avances de deux ou trois de ses camarades du cercle. Elle savait, qui elle attendait. Il s'était annoncé. C'était lui. Celui qui allait être son compagnon d'une nuit et qui allait lui permettre d'obtenir la descendance qu'elle souhaitait tant. Sa mère spirituelle avait tenue parole. Elle était en transe. Elle était heureuse. Elle était comblée. Et tandis qu'ils communiquaient par le biais de vision durant leur acte passionné d'amour et de contact charnel, elle atteignait l'orgasme. Plusieurs fois de suite. Il n'était pas pour autant un Dieu de l'amour ou de la sexualité, mais pour autant, il savait comment s'y prendre. Il savait ce qu'il devait faire. Son dernier orgasme enflamma la pièce et les bougies de couleurs représentant les quatre éléments également. Et tandis qu'elle s'endormait, satisfaite, au royaume d'Hypnos, elle savait maintenant qu'elle portait en elle le descendant d'un Dieu.
Chacun endormit sur le sol, venait de célébrer dignement la fête de l'aubépine. La célébration était maintenant terminée. Il était trois heures quarante-cinq du matin le 14 mai. D'ici neuf mois, elle allait enfin devenir mère et transmettre tous ses dons, ses connaissances. Elle était enfin une femme comblée.
Rituel d’auto-consécration – 12 jours après Imbolc : Sixième anniversaire « Mais… Maman ! Tu sais très bien que je ne vais pas y arriver. Ma langue va fourcher. Je suis sûr que le grand Dieu et la grande Déesse, ne veulent pas de moi. C'est pour ça, que je suis comme ça depuis quelques temps. » « Ne dis pas de bêtise mon enfant. C'est tout à fait normal d'avoir peur et… « Non ! Je n'ai pas peur ! » Les yeux du petit garçon commençait doucement à s'humidifier. Non, il n'avait pas peur. Enfin… Pas tant que ça. Ce qu'il s'apprêtait à faire était quelque chose d'important. Il s'agissait d'une étape importante avant la consécration réalisée en bonne et due forme qui allait être réalisée le jour de ses huit ans par l'ensemble du cercle, l'ensemble du coven. Sa mère l'avait éduqué de manière à ce qu'il soit ouvert à tout ce que la vie pouvait lui apporter. Et surtout ne l'avait aucunement fermé à une quelconque spiritualité. Mais, était-ce par mimétisme ou par véritable appel de l'âme, il se sentait parfaitement à sa place entourée de toutes ces personnes, dans cette philosophie de vie, dans cette croyance. Au départ, bien évidemment ce n'était qu'un jeu. Mais il avait très vite compris, la véracité de certaines choses. On disait de lui qu'il était le digne fils de sa mère, elle-même qui se disait descendante d'Hécate, la déesse de la magie. Il voyait des choses comme elle. Entendait des choses. Il n'était peut-être pas aussi précis qu'elle sur certaines de ses prédictions, mais sa douce et aimante mère lui avait affirmé que c'était parfaitement normal à son âge et qu'elle était déjà fortement impressionnée par son potentiel. Elle répétait aussi souvent que dans le fond, cela ne l'étonnait guère et qu'il allait être capable de beaucoup d'autres choses. Des choses extraordinaires dans le futur. Et qu'elle était véritablement impatiente de découvrir tout cela avec lui. Il n'y croyait qu'à demi-mot. Les choses changeaient. Évoluaient. Et lui et « ses dons » comme aimait le dire sa mère, grandissaient. Seulement, il avait l'impression lui que les Dieux l'avaient abandonné. Il n'était plus capable de grand-chose. Il avait de plus en plus de mal à se concentrer. Lorsqu'il devait lire des prières pourtant simples, consacrer des autels pour les Dieux… Il n'en était plus capable. Il ne savait pas si les lettres dansaient devant son visage ou si tout simplement il devenait fou… Ou malade ?
« Écoute mon cœur, c'est normal ce qui t'arrive. Les Dieux, le grand Dieux et la grande Déesse ne t'ont pas abandonné, crois-moi. Tu es le fils de l'un d'entre eux. Alors, jamais, tu m'entends, jamais ils ne t'abandonneront. Ce que tu vis aujourd'hui est simplement le début d'un long processus, pour te permettre d'atteindre ton plein potentiel. » « Humpf… » « Crois-en ta médium de mère. » lui disait-elle tendrement en lui déposant un doux baiser sur le front
« Aller mon enfant, rentre dans cette pièce et fait comme on a dit d'accord. La grande Déesse et le grand Dieu ne t'en voudront pas de te tromper ou d'hésiter. Respire. Il faut simplement que tu commences à l'heure. Exactement à l'heure à laquelle tu es né. Aller ! Va dans la pièce, allume les bougies de l'autel, invoque les quatre éléments et lit le parchemin devant le miroir, puis à la fin tu le brûles. Tu as bien trouvé ton nom d'auto-consécration, qui sera différent de celui utilisé par le coven ? » « Oui, maman. » « Et tu te rappelles que… » « Je dois garder son nom secret, même de toi. Que seul les Dieux, les esprits et les ancêtres doivent le connaître. C'est tout. » « C'est bien mon amour. Aller, file! Le petit garçon tournait alors les talons. Tout se bousculait dans sa tête. Son regard n'était pas vraiment assuré, mais les quelques paroles de sa mère l'avaient conforté dans l'idée qu'il devait faire cette cérémonie et qu'il ne devait pas s'inquiéter de son déroulement. Il pénétrait dans la pièce et fermait le verrou derrière lui. Il se dirigeait ensuite vers le miroir. Il prenait une grande inspiration. Bizarrement l'ambiance était beaucoup plus sereine. Comme si des forces essayaient de l'apaiser également, de le réconforter. Il regardait l'horloge. Il ne restait plus que quatre minutes avant qu'il ne commence à lire le parchemin. Il craquait alors une allumette et invoquait les quatre éléments. Il avait un petit mot personnel pour chacun d'entre eux. C'était comme s'il mettait un peu sa petite touche dans le rituel. Comme s'il voulait que les éléments soient cléments avec lui. Qu'ils deviennent ses amis. Sa mère était une « elemental witch » et lui aussi ressentait ce feeling particulier avec les éléments. Il ne savait pas l'expliquer. Mais il savait qu'il était guidé d'une quelconque manière par eux.
Il jetait un regard furtif sur la pendule. Il restait une minute. Il se regardait dans le miroir. Il savait qu'il allait pouvoir le faire. Il savait qu'il en était capable.
C'était l'heure. Il respirait une dernière fois avant de réciter à voix haute :
« Entendez-moi, Vous les Anciens, les Guides,
Les Gardiens et les Puissances.
C’est moi, AEOLUS.
Dans cet espace sacré je fais tomber les barrières
Dans cet endroit sacré et en ce moment je suis autre.
J’aligne mon âme avec son plus grand dessein.
J’appelle l’Esprit pour devenir le témoin de mon engagement
Et je reconnais que s’affermit sans cesse le lien qui nous unit.
J’appelle les Anciens, les Ancêtres,
Les Éléments et la Toile qui nous rassemble tous.
Entendez le Vœu de consécration solennelle que je prononce maintenant.
En ce lieu, en cet instant sacré et parfait,
Je dédie ma vie à la Magie vivante.
J’accepte la sagesse selon laquelle tout est sens
Et tous les êtres que je croiserai seront mes professeurs.
Désormais, je suis
Un Vaisseau de l’Esprit
Un Chercheur véritable de la Voie Magique
Un Tisserand sur la Toile sacrée de la Vie.
J’honorerai le Voyage sacré qui s’offre à mes pas
De tout mon corps, de toute mon âme,
Et en tout instant.
Faites que je puisse tenir allumée la lumière de la vérité
Lorsque je chemine vers mes visions les plus élevées.
Faites que je voie toujours le Divin dans la Nature
Et la Nature dans le Divin
Je m’engage à prendre le Chemin du Magicien
Dans l’Amour parfait et la Confiance absolue.
Ainsi soit-il »
Il ne savait pas pourquoi il s'était présenté ainsi. Aeolus. Il ne savait même pas d'où cela lui venait, ni même si cela voulait dire quelque chose. Il brûlait le parchemin tout en repensant aux paroles qu'il venait de prononcer. C'était officiel. Il faisait maintenant partie de la grande famille des sorciers wiccans. Maintenant, il allait pouvoir accéder à certains savoirs qui ne lui étaient, pas encore permis de connaître. Le regard déterminé. Il reprenait une nouvelle fois, une grande respiration. Jetais un dernier regard dans le miroir, puis soufflait sur les bougies dans l'ordre inverse où il les avait allumés. C'était terminé.
Fête d’hiver des quatre Éléments – 13 jours avant Yule : Deux mois et six jours avant le huitième anniversaire Sa mère lui avait demandé de rester dans le petit vestibule à côté. Elle avait prévu le coup, elle avait apporté avec elle, le livre d'astrologie acheté quelques jours auparavant. Elle s'était targuée devant la vendeuse, incrédule devant l'achat du fascicule en grec ancien, que son fils était un enfant précoce et éminemment intelligent. À vrai dire, il n'était plus capable de lire correctement ni l'anglais, ni le français. Les lettres dansaient joyeusement devant ses yeux. Cela avait commencé seulement depuis une dizaine de jours, mais c'était assez long pour que sa mère s'en inquiète et comprenne le message.
L'enfant c'était donc attelé à sa lecture, tandis que dans la pièce qui était collée au vestibule, se trouvait sa mère en pleine discussion avec le grand prêtre de leur congrégation.
« … Mais Paloma, tu… » « Ne m'appelle pas comme ça Carlisle. Tu sais très bien que je déteste cela. » « En effet, excuse-moi… Mais tu sais très bien ce que je veux dire. Notre coven n'a jamais été aussi fort, aussi puissant et aussi grand que depuis que tu es là et qu'Enki est venu au monde. » « Parce que tout cela n'est qu'une question d'image et de force ? Il est hors de question que je risque la vie de mon fils… Tu sais très bien ce qu'il est. Tu sais très bien, qu'il est comme ces enfants de Dieux que l'on peut parfois invoquer, tu sais… » « Non ! Justement. Je n'en sais rien. Même toi, tu n'es sûre de rien. Tu espères, qu'il soit comme notre cher Heracles ou Dionysos… Enfant d'un Dieu et fils d'une humaine. Mais tu n'en sais strictement rien. Aussi bien ton fils est également mon fils… » « Arrête de dire des conneries plus grosses que toi ! Tu as vu, tout comme moi et l'ensemble du groupe ce dont il était capable ces derniers temps et je sais que ce ne sont que les prémices d'une puissance bien plus importante. Qui te dépasse, qui me dépasse. Qui nous dépasse tous. TU ne vois pas ce que je vois. TU ne sais pas ce que je sais. » Effectivement tes pouvoirs et les siens sont impressionnants et précieux pour notre coven. Mais justement… Ne crois-tu pas qu'il sera bien plus en sécurité, entouré de toute sa famille, de sorciers habitué à combattre les forces du mal, plutôt que de parcourir tout le pays, dans l'espoir de ne pas se faire attaquer par des soi-disant… » Elle explosait de rire. Son fils relevait la tête de son livre. Il entendait tout depuis le début et n'arrivait pas à se concentrer sur son bouquin. La tension était palpable à côté et sa curiosité bien plus importante.
« Arrête de te voiler la face. Sur la vingtaine de personnes qui composent le cercle, seul trois ou quatre personnes ont un véritable potentiel. Et Enki nous surpasse de très loin, même si nous combinions nos forces. Sinon le reste possède soit une véritable envie de partager une philosophie, des croyances, sinon pour les autres ce n'est qu'un simple moyen d'emmerder le système judéo-chrétien. Ils n'ont pas de véritable attache. Jamais personne ne sera en mesure de protéger mon fils, comme il se doit. » « Mais… » « Stop ! Ma décision est prise et tu sais très bien au fond de toi-même que c'est la meilleure chose que je peux faire pour protéger mon fils. Et en faisant cela, je protège également le cercle. Tu le sais. On part ce soir pour la ville de son père, « la ville des vents ». J'espère sincèrement au moins que là-bas, il sera au moins un peu en sécurité auprès de son paternel. » « Je vois que je ne pourrai pas te faire changer d'avis. Malgré tous les sentiments que nous partageons… » « Arrête ton char Carlisle. Nous avons couché ensemble que deux fois… Et tu sais très bien, que c'est ce qu'il faut que je fasse pour ma famille, pour mon fils. » « Que la Déesse et le Dieu vous accompagnent alors. » « Qu'ils t'accompagnent également. Peut-être qu'un jour, nous nous reverrons. »Un léger silence s'installait. Ils se regardaient intensément une dernière fois dans les yeux. Elle ne se l'avouait pas, mais elle avait bien plus de sentiment pour lui que ce qu'elle prétendait. Mais elle ne pouvait pas. Elle devait penser à la survie de son fils. Elle savait. Elle avait vu qu'ils devaient aller sur Chicago et qu'ils devaient quitter la Californie. Sinon son fils allait mourir et elle ne pouvait l'admettre. Elle ne pouvait l'accepter. Déposant un léger baiser sur la joue de son interlocuteur, elle quittait la pièce et prenait son fils par le bras.
Ils quittèrent la maison sans se retourner. À ce moment-là, elle savait que jamais ils ne se reverraient. Ou alors, dans une autre vie.
Samhain – Vingtième annéeSa mère lui avait toujours dit « Augure de Samhain sous la coupe des reines du destin, garanti d'exécution du dessein. » Elle aimait bien parler en vers et autre. Il ne savait pas vraiment si c'était pour l'effet de style ou alors si c'était simplement parce qu'elle avait ce genre de vision qui la pétrifiait complètement et qui faisait d'elle une toute autre personne.
Il souriait légèrement en repensant à sa mère et marquait une légère pause dans la préparation de son ex-filtration de la colonie. Il se remémorait tout ce qu'il avait vécu ici et ailleurs. Il était arrivé à la colonie pour ses treize ans. Une aura était venue le chercher à Chicago pour qu'il intègre la colonie et il avait été reconnu très rapidement par son paternel. Il avait compris alors, que tout ce que sa mère lui avait raconté, avait fait était vrai et surtout pour sa sécurité. Il n'avait pas vraiment apprécié de déménager à Chicago. En effet, il se sentait comme chez lui là-bas, mais le fait d'avoir quitté ses amis du cercle lui avait fait beaucoup de peine.
Au départ, il n'était pensionnaire que pendant les vacances scolaires. Il se sentait quelque peu protégé à Chicago. Même si quelques créatures arrivaient à le pister de temps à autres, il avait une vie plutôt sympathique et agréable là-bas. Sauf au lendemain de Lughnasadh, l'été de ses seize ans. C'était une journée particulièrement chaude, agréable. Ils avaient préparé du pain, comme il était de coutume de faire lors de cette fête et ils étaient partis faire une promenade autour du lac Michigan. Normalement, il est plus habituel d'aller se promener en forêt pour se connecter avec l'automne ésotérique. Sa mère lui apprenait à se connecter à tous les éléments. Non pas seulement à la terre, mais également au feu, l'eau et l'air. Ils s'étaient tous les deux, tranquillement installés, pas très loin de l'eau pour se connecter à l'énergie présente autour d'eux. Il aimait ces moment-là. Il aimait ces instants partagés avec sa mère. De nombreuses personnes les regardaient toujours de façon bizarre, mais il s'en fichait royalement. Ils avaient toujours été des marginaux. Ils avaient toujours fait dans l'original, l'insensé. Même ses grands-parents ne les comprenaient pas. D'ailleurs, ils avaient rompu les liens, depuis qu'ils avaient quitté la Californie avec leur fille et leur petit-fils. Ils avaient au moins leur deuxième fille auprès d'eux. Sullivan et sa mère se suffisaient largement à eux même.
Il se concentrait sur sa respiration. Ressentait les énergies autour de lui, ressentait l'air emplir ses poumons. Il ressentait le soleil sur son visage. Il se sentait agréablement bien. Complètement en paix et en harmonie avec l'univers. Et puis ce sentiment étrange l'emplissait d'un seul coup. Au départ, il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait, mais essayait de se re-concentrer. Mais quand cette vague le re-submergeait, il entrouvrit les yeux. Deux empousai leur faisaient face. Les démones n'étaient vraiment pas agréables à voir. Mais il n'eut pas le temps de réagir. Sa mère qui se trouvait face à lui et qui tournait le dos aux deux créatures, se trouvait sur leur chemin lorsqu'elles attaquèrent. Il n'eut pas le temps de la prévenir. Elle n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Leur jambe de bronze céleste pénétrant sa chair au niveau de son thorax, afin d'atteindre le demi-dieux plus facilement. Sa mère était morte sur le coup et lui se volatilisait en se téléportant d'un seul coup à la colonie.
Sa mère lui avait toujours inculqué que la mort n'était pas une fin en soit. Qu'il s'agissait d'un nouveau début et qu'elle était certaine qu'elle retrouverait son enfant. Il avait essayé de se consoler ainsi.
Une légère larme perlait sur sa joue, alors qu'il reprenait son activité. Cela faisait maintenant quelques mois que Cronos était revenu. Il n'avait jamais vraiment envisagé de quitter la colonie. Il avait ses études à côté, il avait ses amis, sa famille. Seulement, il avait fait un rêve particulier cette nuit là. Comme tous les demi-dieux, ses rêvent était particulièrement traumatisant, réel ou perturbant. Mais cette fois-ci, était une fois différente. Sa mère était venue le voir. Elle n'avait pas parlé, mais avait simplement tiré les cartes pour lui. Elle était une grande tireuse de carte, douée et avait transmis cela à son fils également. Et même s'il ne se trouvait pas très bon dans cet art divinatoire, il comprenait malgré tous les symbolismes de chaque carte. Elle comprenait leur signification. Les prédictions de sa mère étaient toujours juste. Toujours.
Il s'était alors réveillé en sursaut. Il repensait à sa mère et à son éducation. Cette philosophie qu'elle lui avait inculquée. Il était bon au combat, mais n'appréciait pas cela particulièrement. En même temps, lorsque vous vivez toutes votre vie en étant persuadé que le moindre mal ou action négative que vous pourriez faire pourrait se retourner contre vous, multiplié par trois. Une sorte de Karma, mais en accéléré et trois fois plus puissants. Et puis se battre pour sa vie était différente que de se battre contre des êtres humains, des demi-dieux comme lui. Il était tiraillé entre ses croyances - et son endoctrinement quelque part – et le message de sa mère ainsi que la loyauté et la fidélité qu'il vouait à la colonie. C'était un choix cornélien. Un dilemme de toute une vie… Seulement le massage de sa mère et son éducation remportait la palme, malgré tout. Il ne pouvait pas tuer des potentiels amis, des frères, sœurs, cousins et cousines. Ils étaient tous de sa famille. Même ceux qu'il ne connaissait pas encore et il trouvait cela terriblement injuste.
Son sac remplit de ses quelques affaires, il avait décidé de laisser un mot pour expliquer son choix. Profitant de l'aube une dernière fois à la colonie, il se téléportait au Brésil avant que quelqu'un ne se lève.
Fête du Noisetier – Quatre jours après Lamas : De nos joursUn crayon de papier dans la bouche, ses lunettes sur le nez, le jeune homme ne possède pas le physique de l'emploi. Lui ne voulait pas vraiment le croire, mais c'était ce que de nombreuses personnes lui avaient dit. Il aurait été – apparemment – moins surprenant de le savoir mannequin que doctorant en anthropologie. Et pourtant, il était bien loin de toutes ces foutaises du monde de la mode. Cela faisait maintenant plusieurs jours qu'il enchaînait les heures à la bibliothèque universitaire. Il avait à sa disposition tout ce dont il avait besoin pour écrire sa thèse. Et bien qu'il pouvait être bien plus au calme chez lui, à travailler seul, il appréciait la compagnie studieuse des livres et des autres étudiants de l'université de New York.
Il avançait plutôt bien… Enfin il en avait l'impression. Il avait déjà écrit un peu moins de cinq cents pages sur son sujet – Le syncrétisme religieux ; Où comment les religions judéo-chrétiennes ont influencé les religions des peuples d'Amériques – mais il le savait, il lui restait encore énormément de travail sur le sujet. Alors, oui il avait eu cette chance là d'être au contact de certaines populations et de constater directement ces évolutions, ces syncrétismes dans ces croyances, mais rien n'était encore fait. D'autant plus que son sujet n'était pas des plus simples et des moins vastes. Regroupant aussi bien les peuples d'Amérique du Nord et du Sud, son sujet englobe également les minorités comme les peuples beaucoup plus conséquents. C'était loin d'être une sinécure, mais c'était quelque chose qui le passionnait véritablement.
Il s'apprêtait à aborder la partie sur les croyances caraïbéennes et leur syncrétisme quand son téléphone portable vibrait. Il savait qu'il prenait un risque à posséder un engin de ce genre sur lui. Cela attirait les monstres. Mais heureusement pour lui, il ne faisait pas partie d'un enfant des « douze grands » - et donc son odeur était moins forte – mais surtout, il possédait un pouvoir de taille qui l'avait énormément aidé durant ses nombreux voyages anthropologiques, sa téléportation. C'est ce qui lui avait permis de rester en vie jusqu'ici. Et même si depuis son retour aux U.S.A, il évitait au maximum d'utiliser ses pouvoirs afin d'essayer de mener une vie à peu près normale, il savait qu'il avait toujours cela en dernier recours.
Il sortait son téléphone de sa poche pour s'apercevoir qu'il s'agissait de l'un de ses amis qui l'appelaient. Interloqué, il répondait
« Allo ? » « Laisse moi deviner. Tu as complètement oublié et tu es plongé dans tes bouquins à la B.U ?! » Il ne voyait pas ou son ami voulait en venir
« Hum… » « Tu te rappelles que ce soir, je suis de mariage ? » « Oui oui très bien ! Pourquoi ? » Il continuait de lire l'immense bouquin qu'il avait commencé quelques secondes avant l'appel, écoutant à demi-mot ce que Brian disait.
« Et que donc tu devais me remplacer ce soir au bar ? » « Oh putain ! » Il venait de relever la tête, les yeux rond comme des billes. Il avait complètement perdu la notion du temps. Il travaillait en continue sur sa thèse et ses recherches qu'il n'avait pas du tout, intégré que c'était vendredi soir.
« Queen vient de m'appeler en me demandant ce que je foutais et que j'étais en retard… » Il s'était relevé de sa chaise en trombe et avait prit l'ensemble des bouquins dans ses bras, tout en coinçant le téléphone portable entre la partie supérieure de son épaule et son oreille.
« J'ai combien de temps de retard ? » « Pas loin de quarante-cinq minutes. Alors, dépêche toi mec, sinon tu vas passer un sale quart d'heure ! » « Merci de m'avoir prévenu. J'y vais ! » Il raccrochait et remballait toutes ses affaires à la va vite dans son sac.
Boulette exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Il partait dans les toilettes de la B.U pour se téléporter dans son appartement. Il déposait ses affaires et se changeait rapidement. Il travaillait depuis qu'il était revenu sur le sol américain, dans un bar branché de New York. C'était un bon moyen de payer ses études, de voir du monde et surtout de sortir la tête des bouquins. Pour ce qui était de sa patronne, il savait qu'il allait se prendre un léger savon, mais il savait comment faire pour se la mettre dans le sac. Il savait très bien, qu'elle n'était pas dupe, mais c'était un petit arrangement entre elle et lui. Ils couchaient ensemble et elle passait sur ses nombreux retards. Et puis c'était une demi-déesse également. Alors, il se comprenait et s'entendait plutôt bien en dehors de leur partie de jambe en l'air.
Il déposait ses lunettes de lecture – à vrai dire, c'était surtout pour faire plus sérieux aux yeux des autres. On le croyait rarement qu'il était doctorant en anthropologie. À croire que les lunettes faisaient l'habit - sur sa table de nuit. Il enfilait une chemise blanche qui galbait son corps. Il devait faire en sorte de plaire. On était vendredi soir. Il allait y avoir du monde. Il ne devait pas faire tâche derrière le bar et l'on devait avoir envie de le voir, de lui parler. Il y avait une étude qui démontrait que le physique et l'apparence du barman – ou de la barmaid – aidait plus ou moins à la consommation. Et puis, cela aiderait sans doute Queen, à avaler plus facilement la pilule de son retard de ce soir.
Il jetait un dernier regard dans le miroir. Tout était bon. Il se téléportait de nouveau et arrivait dans les toilettes de son lieu de travail. Il se précipitait dans le vestiaire employé. Il croisait le regard incrédule de sa patronne
« Excuse-moi Queen ! Je saurai me faire pardonner » Disait-il simplement avec un clin d’œil, avant de se faufiler derrière le bar. Il ne laissait pas sa cheffe répondre. Cela ne servait à rien. Il était en tord et le savait.
La soirée pouvait maintenant commencer.