Le regard aussi vide que mon verre, je faisais abstraction de tout. De la lumière agressive de cette foutue boîte de nuit en passant par l'odeur de sueur qui se dégageait des corps entrelacés. Tout ça, sur le rythme d'une musique avec bien trop de basses. Assise au bar, j'étais absente, complètement absente.. Mais pas assez pour oublier ce foutu gosse de riche qui me caressait la jambe. Il avait commencé par une phrase très recherchée " Salut toi, tu viens d'où beauté ?" Le genre de phrase qui te donne envie de gerber, mais il s'était vite rattrapé avec un "J'peux te payer un verre ?" Un simple sourire en guise de réponse, c'est pas comme si je pouvais lui dire que j'étais une demie déesse faisant partie d'un monde divin en proie à de nombreux désordres. Je me contentais de lui dire "Je suis d'un peu partout, ma mère est Sénatrice alors j'ai pas mal voyagé.." Tu parles. Je suis née à la Nouvelle-Rome. Ma mère mortelle y est installée depuis toujours, sa devise ? "Une fois qu'on ouvre les yeux sur la Nouvelle-Rome, on sait qu'on les fermera pour sa prospérité". Je n'ai à vrai dire.. Connu que ça. Le Camp Jupiter et ses alentours, parce c'est ma vie. Je suis une Romaine, pure et dure.

Dévalant le verre fraîchement commandé, je me rappelais à quel point c'était dur d'être au top. C'est vrai, qui imaginerait dans au Camp ou à la colonie que je suis en pleine crise existentielle dans une boîte de New-York ? Personne. Parce rien ne m'atteint. Je vole au dessus des nuages, sourire aux lèvres chiant sur les misérables qui osent dire le contraire. Ça c'est ma vie devant les autres. Parce qu'après, je me couche et j'arrête de vivre. Je revois les autres, je revois Krios, je revois la mort. Ça hante mes nuits, caresse mes siestes et ça n'en finit jamais. Alors, je sors comme ce soir. Pour boire et danser et peut-être même vider mon sac face à quelqu'un paraissant m'écouter. Parce qu'une fois qu'on est épuisé et que notre conscience est trouble.. On ne craint pas de m'endormir.

"Qu'est-ce qu'une fille comme toi fait ici seule au bar ? " Oh mais j'attendais justement de me faire draguer par un tocard comme toi afin d'illuminer ma nuit. Soupirant, je me disais que tant qu'à faire, j'allais trouver à intérêt à ce gars. Une sorte.. D'exutoire. "J'exorcise la mémoire de personnes disparues qui m'étaient chères. Disons qu'ici on ne va as me juger sur ma tendance à trop boire." J'étais membre de la première Cohorte, un rêve de petite fille pour moi.. A l'intérieur, on est pas censé faiblir ou traîner un fardeau qui nous empêche de vivre. On se bat et on fait la fierté du camp, point. Alors souffler à New-York en compagnie de mortels, c'était une solution que j'exécutais de plus en plus souvent. En parlant de mortel, l'autre me touchait la main en répondant : "Oh.. T'as perdu des proches, j'suis désolé. Je peux.. faire quelques chose pour toi ?" Tu parles sûrement d'une nuit torride pour me remonter le morale hein ? Quel altruisme, j'suis profondément touchée. Bon au moins il faisait semblant de s’intéresser, ça lui rapporté un demi point.  " Les ramener à la vie ? Pas dans tes cordes ? Dommage."

Me levant comme pour m'en aller, je sens une pression retenir mon poignet. A croire qu'il y en a un qui s'est joué film. " Hey! Pars pas comme ça, je pense que j'ai mérite plus!" C'est quoi ça ? Un verre et j'te suis redevable à vie ? J'étais pas d'humeur et il allait avoir affaire à la pire des garces. " T'as raison.. Je sais pas ce qui m'a pris." M'abaissant à son niveau, je lui glissais le baiser le plus sensuel qu'il est eu de sa misérable vie de mortel.. En lui insufflant par la même occasion mon pouvoir paralysant. A présent j'allais rire. Ses yeux gigotaient dans tout les sens mais lui ne pouvait pas broncher. Je prenais son portable, envoyant un selfi très.. Caliente de moi au destinataire "Bae ❤" (quel manque d'originalité). Après ça je fouillais dans sa veste pour y trouver un marqueur : Parfait, un phallus sur le front ferait l'affaire. Et je concluais par un discret déboutonnage de pantalon. M'approchant de lui sourire franc au lèvres, je lâchais : " Merci tu m'as finalement fait passer une bonne soirée. Mais la prochaine fois, reste chez toi, câline Bae. Ca t'empêchera d'avoir l'air d'un con." Je partais alors en tirant d'un coup sec sur sa ceinture, faisant tomber une bonne partie de son pantalon. La scène était ridicule mais tellement drôle, je n'vivais que pour ce genre de blague moi. Ceinture-Trophée en main je déambulais dans les rue.. Avec une envie simple, rentrer au camp et dormir.. en espérant qu'aucune obscurité ne vienne me réveiller grâce à mon barrage alcoolisé.

Parce que demain il faudra faire comme si tout allait bien au camp. Il faudra s'entraîner férocement, rire et vivre ensemble sans parler de ceux qui sont morts.. Parce qu'en parler c'est reconnaître qu'on souffre et si on souffre, les autres sont amené à douter de nous et de notre capacité à pouvoir assurer une prochaine fois. A qui en parler alors ? Ma mère restera comme beaucoup de Sénateur, à distance de ça. Cupidon, inondé par son désir, n'y pense pas.. Et mes amis et alliés.. Ils doivent continuer de penser que je suis un pilier. Un roc. Quitte à passer pour celle au cœur de pierre.